jeudi 11 septembre 2008

Aperçu technique à la veille du Grand Prix d'Italie – Questions à Pascal Vasselon

Parlons un peu de la prochaine saison ; pouvez-vous nous expliquer pourquoi la réglementation en matière d'aérodynamique va changer ?
Le changement de réglementation a trois principaux objectifs : le premier objectif est de donner aux pilotes plus de possibilités de dépassements ; le deuxième est de limiter les performances des voitures et de contrôler la constante augmentation des vitesses ; le troisième enfin est de donner un aspect plus "propre" aux monoplaces en éliminant les petits appendices aérodynamiques tels qu'ailettes, déflecteurs et prises d'air.


Comment l'aspect des monoplaces va-t-il changer ?
Un des facteurs-clé du changement de réglementation est la volonté de modifier l'aspect des voitures et de leur donner une ligne plus épurée. Actuellement, l'aspect des voitures n'a pas été dicté exclusivement par des considérations aérodynamiques ; nous avons aussi travaillé sur ce que nous pourrions appeler des ‘zones de légalité’. Ce sont des endroits spécifiques de la voiture où il est possible d'ajouter des appendices générant des appuis supplémentaires. Leur emplacement n'est pas uniquement exigé par la physique : avec une voiture de course conçue uniquement d'un point de vue aérodynamique, vous obtenez des formes fluides et propres – sans ailettes, etc. La réglementation préparée pour l'année prochaine signifie que l'on ne verra plus ce type d'appendices.

Comment la nouvelle réglementation sur l'aérodynamique va-t-elle favoriser les dépassements ?
Le but de ce nouveau texte est de rendre les voitures moins sensibles d'un point de vue aérodynamique lorsqu'elles se retrouvent dans le sillage des voitures qui les précèdent ; à cet endroit, elles sont prises dans les remous qu'engendre tout véhicule lancé à grande vitesse. Cet état de fait a orienté la réflexion du groupe de travail consacré aux manœeuvres de dépassement selon deux axes. Le premier objectif est de faire en sorte que les remous provoqués par une voiture de Formule 1 soient moins pénalisants pour la voiture suiveuse ; le deuxième objectif étant que la voiture suiveuse en question montre des performances aérodynamiques moins sensibles aux remous.

Pourquoi les pneus lisses font-ils leur retour en Formule 1 ?
Les pneus slick constituent un autre aspect de la nouvelle réglementation destinée à faciliter les dépassements et ils y jouent un rôle majeur. Pour faciliter un dépassement, vous devez éliminer la situation actuelle selon laquelle les remous d'une voiture ont un effet très négatif sur les performances de la voiture qui suit. Mais vous pouvez aussi modifier l'équilibre entre performances aérodynamiques et adhérence mécanique afin de limiter la chute de performances enregistrée par la seconde voiture. L'amélioration de l'adhérence mécanique représente un aspect important des nouveaux textes ; bien entendu, l'adhérence d'un pneumatique n'est pas altérée dans le sillage d'une monoplace : du coup, les pneus lisses conférant plus d'adhérence que les pneus rainurés, l'objectif est atteint.

Quelles seront les implications en ce qui concerne l'aileron avant réglable ?
L'instauration d'un aileron avant réglable est une autre modification qui contribue à réduire l'impact des remous aérodynamiques sur les performances d'une monoplace. Lorsqu'une voiture suit une autre voiture, il y a perte d'appui sur le train avant, puis phénomène de sous-virage. La nouvelle réglementation a tenté de limiter ce phénomène mais il est toujours présent. Ainsi, la solution est de conférer au pilote la possibilité d'intervenir activement sur l'équilibre de la voiture ; pour cela, le moyen le plus simple est d'autoriser le réglage en continu de l'aileron avant. Si une voiture est sujette au sous-virage lorsqu'elle suit une autre voiture, le pilote peut augmenter l'angle d'inclinaison de l'aileron et ainsi améliorer l'équilibre. Une fois encore, le but est de contrecarrer les chutes de performance enregistrées lorsque vous suivez une voiture de très près, et d'augmenter les possibilités de dépassement. En revanche, lorsqu'un pilote n'a aucune voiture devant lui, il a toujours la possibilité d'exploiter le réglage de son aileron pour résoudre certains soucis de comportement – par exemple dans certains virages. La saison prochaine, les pilotes vont encore avoir du travail !

Avec de tels changements, le défi à relever doit être important ?
Évidemment, le défi est de taille car nous avons ici des changements de réglementation de grande envergure. Mais je dois dire aussi que le défi qu'il a fallu relever est très intéressant et excitant, surtout au vu de la situation de notre écurie. Nous sommes encore une jeune écurie en terme de Formule 1 et nous avons un peu joué à cache-cache avec les autres équipes qui sont rompues depuis plus longtemps au jeu des réglementations. Maintenant, avec cette nouvelle réglementation, toutes les équipes remettent les compteurs à zéro en ce qui concerne leur expérience et tout le monde repart d'une feuille blanche. Pour la créativité, nous avons laissé carte blanche aux membres de l'équipe, sans rien imposer, et les résultats sont vraiment positifs. C'est avec joie que nous relevons le défi.

Êtes-vous content des progrès réalisés ?
Oui, en effet. Je pense que nous avons bien avancé mais, bien sûr, il n'est jamais possible de connaître son vrai niveau de compétitivité avant la première course, et cela est encore plus vrai dans ce cas avec la nouvelle réglementation. Jusqu'à présent, l'expérience est très intéressante. Lorsque vous travaillez sur un nouveau concept tel que celui-ci, les étapes que vous franchissez au départ sont forcément importantes ; à chaque journée de travail, vous trouvez quelque chose de significatif. C'est très gratifiant.

Y a-t-il plus de prospectives que d'habitude pour découvrir quelles sont les solutions adoptées par les autres écuries ?
Nous sommes tous impatients de voir à quoi ressembleront les nouvelles voitures car chaque équipe a travaillé sans aucune référence avec les autres ; nous devrions avoir plus de différences que ces dernières années, bien que la réglementation soit devenue plus limitative. Dans le cadre de ses limites, nous devrions voir des solutions très différentes.

Est-ce que les leçons retenues cette année en terme d'aérodynamique pourront être appliquées aussi aux monoplaces de la saison 2009 ?
Une part de nos connaissances acquises sur les performances aérodynamiques d'une Formule 1 pourra être reportée sur les prochaines voitures, mais pas notre compréhension des éléments spécifiques à la TF108, c'est aussi simple que cela. La réglementation est suffisamment différente pour signifier que nos connaissances sur l'exploitation de la performance d'un déflecteur, par exemple, ne seront pas particulièrement importantes pour les monoplaces de 2009.

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